dimanche 10 février 2008

La chronique de Philippe Gaberan : Faite du Net, fête du savoir

L'écolier de Robert Doisneau

Dans la salle de classe décrite par Jacques Prévert, l’enfant-écolier contraint à l’immobilité et soumis à sa place regarde par la fenêtre et trompe son ennui en s’échappant par le rêve. Dans la salle de classe virtuelle, les fenêtres sont les images qui illustrent les cours et, mieux encore, les liens hypertextes qui tous emmènent vers ailleurs. Et si cette échappée belle semble être au premier coup d’œil « un chemin qui ne mène nulle part » (pour reprendre ce titre à Martin Heidegger), le déplacement suscité par l’image ou le lien est bien réellement un appel au dépassement de soi et aux limites imposées au savoir. Pour le compositeur du cours, le désir de tenir en éveil l’attention de celui qui, à distance et au moment d’apprendre, sera seul face aux contenus de savoir, s’impose l’art de savoir rebondir de mots en concept, de courir d’images en représentations, de filiations à quelques auteurs en différenciation de quelques pensées. Un tel compositeur croit souvent connaître son cours dans les moindres recoins et il m’aperçoit que, tels les greniers mythiques des enfances perdues, il recèle des coffres non encore ouverts. Le savoir est jubilatoire. Il faut que les élèves le sentent. Il faut que les élèves le sachent. Il faut qu’ils aient des éducateurs heureux.

Construire un cours sur une plateforme, c’est se laisser emporter par tous les chemins de traverse possibles que les élèves emprunteront, déserteront ou bien suivront, soit chacun dans son coin soit de façon groupale par les forums et les échanges de courriel. Une communauté d’apprentissage n’est pas une petite troupe en ordre de marche sur les consignes du maîtres, mais une bande de vagabonds efficaces (ce terme est de Fernand Deligny). Faire l’école sur le Net c’est accepter qu’elle soit à la fois linéaire et buissonnière, ludique et savante. Alors, le retour du taylorisme, enfant chéri du capitalisme, tend au morcellement des compétences et leur répartition sur plusieurs têtes. Au professeur la composition et la transmission des savoirs et au tuteur le souci de leur appropriation par l’élève. Cette querelle d’adultes ne le concerne guère. Lui a besoin d’un compagnon, d’un ami d’un mentor… bref d’un éducateur. Militons pour un partage sans partage du Net et des savoirs.

1 commentaire:

Patrick G. a dit…

Très belle description et analyse très juste. L'apprentissage consiste tout autant en associations qu'en mises en ordres, d'autant qu'il vise souvent à appliquer des connaissances à des problèmes, ou l'inverse. La plupart des méthodes de recherche proposées aux étudiants reposent sur une démarche linéaire, mais la pratique de la recherche est bien différente.

Seul défi : conserver une démarche rigoureuse et encadrer l'apprentissage par un cadre d'évaluation approprié reposant sur le respect des règles établies ou la reconnaissance de la qualité du travail par des experts du domaine de connaissance ou de pratique. Mais ça aussi, ça peut être jubilatoire, avec l'aide d'Internet.