vendredi 30 mai 2008

Le professionnel pédagogique : en amont… et par vaux. Par Patrick Guillemet

Patrick Guillemet fait l'amitié à t@d de présenter son activité professionnelle au sein de la Téluq. Si celle-ci répond à l'appellation générique de "professionnel pédagogique", sa réalité est au contraire bien concrète. Il s'agit pour ce spécialiste en sciences de l’éducation, qui conseille les professeurs à distance en essayant d’anticiper les réactions des étudiants, de participer activement à la conception des cours proposés par la Téluq. Le "professionnel pédagogique" est aussi en interaction avec les tuteurs qu’il s’agisse d’expliciter les consignes des activités d'apprentissage, de donner suite aux interrogations des étudiants, de fournir des balises de correction des travaux, de mettre à jour des hyperliens...

Patrick Guillemet est diplômé de l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC) à Paris). Il obtient ensuite un certificat en animation à l’Université de Montréal (1970), une maîtrise en relations industrielles à l’Université Laval (1989) et un doctorat en sociologie à l’Université de Montréal (2004). Depuis 1982, il travaille à la Télé-université, d’abord à titre d’éditeur médiatique, puis comme spécialiste en sciences de l’éducation. Outre ses interventions de conseil pédagogique, il a été concepteur de divers cours à distance. Il a également été consultant en communication organisationnelle.

Planification financière, littérature de masse, géographie humaine, coopératives de travailleurs, bureautique, théorie des organisations, communication interculturelle, techniques d’animation de groupes, méthodologie de la recherche, psychologie sociale, histoire du Québec, andragogie, design graphique, éducation aux médias, administration publique, histoire des sociétés, sociologie des loisirs, rédaction administrative et scientifique, romans d’amour : cet inventaire à la Prévert résume un parcours professionnel un peu insolite mais bien réel. Pas celui d’un tuteur, non, quoique certains aient peut-être une aussi impressionnante collection de cartes de visites, mais celui d’une espèce tout autant bizarre, j’ai nommé le professionnel pédagogique.

Deux sortes de professionnels pédagogiques peuplent la Télé-université : le coordonnateur à l'encadrement, qui guide et valide les choix de cours et de programmes des étudiants, et le spécialiste en sciences de l’éducation qui conseille les professeurs à distance en essayant d’anticiper les réactions des étudiants. Tentative de portrait de cette seconde sous-espèce à laquelle j’appartiens. Précisons tout de suite que malgré le titre professionnel ma formation est en administration et que je suis entré à la Télé-université pour y piloter des projets de mise à distance de cours élaborés par d’autres constituantes de l'Université du Québec. Suite à l’abandon de ces projets conjoints, j’ai été intégré au corps des spécialistes en sciences de l’éducation, début d’un long voyage durant lequel les surprises n’ont pas manqué.

Un travail en amont… et parfois en aval

Une conception courante de l'intervention de conseil pédagogique, lors de mes premières années était la définition des objectifs des cours, sorte d’épreuve initiatique qui devait permettre de séparer le bon grain de l’ivraie, assurant ainsi le succès du développement du cours. Armé de la taxonomie de Bloom, le conseiller pédagogique se présentait comme le gardien d’une approche qui transcendait toutes les disciplines et ne voulait surtout pas se mêler du contexte de la formation, laissant ce privilège au professeur. Cette forme de séduction s’est généralement avérée d’assez courte durée. Au mieux, le professeur consentait à se livrer à l’exercice dans l’espoir que son cours s’en trouve placé sous de meilleurs auspices. Dans plusieurs cas, il choisissait plutôt de faire l’école buissonnière avec l’assistance d’un étudiant avancé ou d’un concepteur inventif afin d’accoucher du cours de façon plus naturelle, si peu orthodoxe soit-elle. Au pire, certains professeurs estimaient plutôt que le seul conseiller dont ils avaient besoin était un didacticien propre à chaque discipline et seul apte à en saisir les subtilités.

Entre l’écueil du remède universel et celui de l’hyper-spécialisation, le travail de conseil pédagogique a pris ainsi des allures changeantes. La plupart du temps, l’intervention du professionnel pédagogique est recherchée afin de développer des exercices permettant l’atteinte des objectifs du cours. Tout est alors question d’équilibre, entre la compréhension des concepts étudiés et leur mise en application dans des situations réelles ou, réciproquement, l'analyse de situations professionnelles à la lumière de diverses théories, entre la pensée convergente et le traitement divergent des informations, ainsi qu’entre la démarche déductive et le traitement inductif des diverses situations analysées. Les choix s’imposent parfois d’eux-mêmes, qu’il s’agisse de vulgariser des textes difficiles à l’aide de lectures complémentaires, d’analyser une même situation à la lumière de plusieurs approches théoriques, ou de discerner dans des textes récents l’approche théorique qui les sous-tend. De la même façon, l’alternance s’impose, entre des questions courtes destinées à vérifier les connaissances, des questions à développement ou des études de cas simples guidées par des consignes, ainsi qu’avec l’élaboration de synthèses prenant appui sur les connaissances abordées, afin de diversifier les modes d'apprentissage tout en respectant les objectifs poursuivis par le cours. Mais plus encore, la démarche pédagogique se construit par tâtonnements progressifs dans lesquels les intentions de formation du professeur s’ajustent au fur et à mesure des réactions du professionnel pédagogique, premier étudiant du cours en puissance, tandis que les suggestions d’amélioration du professionnel sont elles-mêmes filtrées par le professeur, tantôt amplifiées, tantôt modifiées et tantôt abandonnées.

L'intervention du professionnel pédagogique peut aussi se situer bien après que le cours ait été lancé. Dans certains cas, les étudiants se plaignent de la lourdeur de la charge de travail qui leur est demandée ou du manque de relation entre les exercices et les contenus à apprendre, dans d’autres encore, les connaissances leur apparaissent désuètes en regard de leurs situations de travail. La plupart du temps, leurs plaintes exprimées par l’intermédiaire des tuteurs sont à l’origine de la révision du cours. L’ajustement des exercices, la mise à jour des textes de référence, la révision éventuelle du mode d’évaluation sont alors souvent l’occasion pour le professeur de découvrir l’utilité réelle du professionnel pédagogique et de constater que s’il n’est pas comme lui un expert de la discipline enseignée, sa capacité à endosser le point de vue des étudiants tout en restant soucieux de l’atteinte des objectifs du cours, même s’ils ne sont pas parfaitement formulés, offre l’occasion de concrétiser à distance cette interaction pédagogique si précieuse que permet l'enseignement en présence.

Le conseil pédagogique en formation à distance

Le rôle de conseiller pédagogique trouve son origine dès les débuts de la Télé-université, alors que les premiers projets s’adressaient à une vaste population étudiante et que la technologie utilisée –essentiellement l’écrit- obligeait les équipes à polir soigneusement leurs documents de cours afin de ne pas devoir y apporter de multiples retouches. Avec la multiplication du nombre de cours accompagnée par une diminution tendancielle du nombre d'étudiants par cours, l’arrivée de technologies interactives et l’engagement de professeurs disciplinaires, la tradition de l’équipe pédagogique associant de nombreux spécialistes autour du professeur s’est trouvée de plus en plus concurrencée par la tradition universitaire classique, dans laquelle le professeur est l’unique responsable de son cours. Dès lors, si certains professeurs de la Télé-université consentent bien volontiers à s’associer à des conseillers en pédagogie ou en médias, considérant que leur expertise se situe dans la connaissance des contenus enseignés ou misant sur la collégialité et la complémentarité des points de vue, d’autres professeurs s’y montrent réticents, car ils considèrent que cela équivaut à abdiquer leur responsabilité d'enseignement. Cette seconde attitude s’observe particulièrement chez ceux d’entre eux dont les cours sont fréquentés par un petit nombre d'étudiants, ce qui leur permet de jouer eux-mêmes le rôle de tuteur et de rétablir ainsi le contact direct avec l'étudiant.

Le plus souvent, cependant, les attentes du professeur oscillent entre ces deux extrêmes, selon la nature des compétences qu’il souhaite développer chez l'étudiant, l’accent qu’il met sur leur évaluation et le découpage du contenu. Tel professeur pourra lui demander de valider des exercices qu’il a préparés ou d’enrichir ses idées d’exercices, tandis que tel autre lui laissera la bride sur le cou, se réservant le rôle de validateur. Tel professeur pourra lui confier la préparation de plusieurs batteries d’examens en respectant des consignes strictes, tandis que tel autre lui demandera de repérer sur Internet des textes ou des liens permettant de mettre le contenu à jour, et ainsi de suite. Dans ce pas de deux modulé par les préférences pédagogiques de chacun, le professionnel pédagogique doit savoir respecter et interpréter les attentes du professeur, ce qui ne l’empêche pas cependant de prendre des initiatives, au risque qu’elles ne soient pas suivies.

La nécessité d’un regard externe

La plupart du temps, le contact du professionnel pédagogique avec les tuteurs s’effectue à distance, qu’il s’agisse de mettre à jour des hyperliens, d’expliciter les consignes des activités d'apprentissage, de donner suite aux interrogations des étudiants, de fournir des balises de correction des travaux ou de retransmettre au professeur un ensemble de recommandations. Leur interaction peut cependant être plus intense, lorsque le professeur décide de les associer à la révision du cours afin de le remanier plus ou moins profondément. Dans cette interaction où le tuteur prend en quelque sorte le relais du professeur, on peut observer à nouveau la différence entre la perspective du concepteur, soucieux d’offrir un vaste éventail de points de vue et d’outils d'apprentissage, et la perspective de l'étudiant que tente d’incarner le professionnel pédagogique. Il s’agit notamment :

  1. d’assurer un équilibre entre les apports théoriques, leur mise en application et leur transfert en situation de travail,
  2. de veiller à la disponibilité et à la facilité d’utilisation des instruments d'apprentissage
  3. de faire en sorte que la charge de travail demandée soit justement évaluée et corresponde à une charge de travail normale.

Le professionnel pédagogique ne représente évidemment ni l’étudiant idéal, ni l'étudiant moyen, et chacun d’entre eux a sa propre perception de la qualité de l'enseignement. Certains sont particulièrement attentifs à l’intelligibilité de l’architecture de l'environnement d'apprentissage ou à l’autonomie de l'étudiant, d’autres tentent d’exploiter au mieux les technologies disponibles, d’autres encore misent sur la créativité de l'étudiant et sa capacité d’appropriation des informations. En ce qui me concerne, j’ai toujours été animé par une représentation de l'étudiant en tant qu’adulte, qui cherche à améliorer sa pratique professionnelle à l’aide de connaissances nouvelles et qui cherche également à mieux comprendre son univers professionnel. Toutes ces perspectives sont légitimes. Mais ce qu’elles ont en commun, et ce qui importe avant tout, c’est la capacité à jeter un regard externe sur le travail du concepteur, afin que cette relecture permette de mieux atteindre les résultats recherchés. Et lorsque le professionnel pédagogique se risque lui-même à préparer un cours, il est le premier à s’en rendre compte. Petite leçon de modestie qui l’amène sans doute à mieux moduler ses recommandations par la suite.


mercredi 28 mai 2008

Projet d'optimisation des aptitudes tutorales du CNAM Bretagne

Coup de chapeau au CNAM Bretagne qui vient de lancer un projet d'optimisation des aptitudes tutorales de ses enseignants-tuteurs.

Nous avons suffisamment souligné, à de nombreuses reprises, tout l'intérêt de la mutualisation pour la formation et la professionnalisation des tuteurs pour saluer cette heureuse initiative.

Basé sur l'utilisation d'un forum et d'un wiki, le projet du CNAM implique l'ensemble des enseignants-tuteurs de la région Bretagne. Expérimental, cet outil est ensuite destiné à être déployé dans les autres régions.

Le wiki est destiné à la publication de retours d'expériences et ambitionne de devenir « le guide de l'enseignant tuteur pour la promotion des compétences tutoriales ».

Le forum a pour thème les différentes dimensions de l'activité d'enseignant-tuteur. Il permet aux enseignants-tuteurs de poser des questions et de débattre entre eux.

Les premiers sujets du forum sont les suivants :

Quel est le profil de l'enseignant-tuteur efficace ?
Et si nous rédigions le profil de l'enseignant-tuteur au CNAM ?

Soutenir le tuteur
En amont de l'activité de tutorat, quels besoins avez vous pour la mener au mieux ?

L'accueil de l'auditeur
L'accueil est la première étape primordiale dans le tutorat .Qu'est ce que cela signifie et implique selon vous ?

Organiser les ressources pédagogiques
Proposer un cours en présenciel ou à distance implique des savoirs faire lorsqu'on délivre nos messages pédagogiques

Le tuteur, un soutien cognitif
Pour aider nos auditeurs à assimiler les contenus, quels sont vos astuces ?

Favoriser le lien social inter apprenant
Pour maintenir ou créer la motivation à lasource de l'assiduité de la formation, Le tuteur peut mettre en palce différentes stratégies. Quelles sont les vôtres ?

Communiquer ses ressources
L'activité d'enseignant-tuteur est de communiquer. Qu'est ce qui peut vous aider, à quoi faites vous attention pour être un bon communiquant ?

Motiver
Certes, la motivation est multifactorielle. Mais vous que faites vous expréssement pour motiver vos troupes ?

Evaluer la progression et l’acquisition
Motiver c'est aussi donner des repères à nos auditeurs. Comment faites vous ? Le rôle de l'enseignant tuteur au final est de certifier un niveau de connaissance, comment vous y prenez vous ?


mardi 27 mai 2008

Retour sur le sondage "Avez-vous déjà publié sur votre pratique tutorale ?"

7 personnes ont répondu à la question « Avez-vous déjà publié sur votre pratique tutorale ? »

- Oui : 3 répondants, soit 42%
- Non : 4 répondants, soit 57/%

Le faible nombre de participants à ce sondage interdit d'en tirer des indications précises. Je ne peux qu'encourager les 4 répondants qui n'ont pas encore publié sur leurs pratiques à le faire.

Si les exigences de la publication dans des revues spécialisées peuvent rebuter de nombreuses personnes et nourrir un sentiment de non légitimité à passer à l'acte, il existe aujourd'hui bien des manières d'écrire et de publier. Si écrire n'est pas publier, le passage de l'un à l'autre est tout de même bien facile de nos jours. Le blog, outil de publication, est une solution qui permet facilement de tirer bénéfice du détour par l'écrit. Or, les avantages de l'écriture sont nombreux : approfondissement de sa réflexion, récapitulatif de ce que l'on pense ou de ce que l'on connaît d'un sujet, prise de distance par rapport à sa pratique, ouverture à l'échange...

Depuis 5 ans que t@d existe, la question de l'écriture a régulièrement été débattue. Certains n'en voient pas l'utilité ou préfèrent se cantonner à la lecture. D'autres ne se sentent pas autoriser à publier ou éprouvent des craintes à donner à voir aux autres. D'autres n'imaginent pas que leurs propos puissent servir et ne sont pas prêts à investir du temps dans une activité qu'ils jugent peu rentable. Je trouve toutes ces raisons respectables et en même temps je regrette que « l'autocensure » ou le manque d'appétence soient si répandus.

Je suis persuadé que le premier avantage à écrire et à publier est pour soi et que lorsqu'une personne « s'auteurise », elle est le premier bénéficiaire de ses écrits. Il en est de la publication comme de la collaboration, elle nécessite de faire le premier pas qui ouvre la route des possibles.

L'idée de la mutualisation des expériences et des réflexions des tuteurs est la principale raison d'être du blog de t@d et c'est pourquoi il est un espace de publication qui leur est largement ouvert. J'invite tous les tuteurs qui souhaitent vivre l'expérience de la publication, ou qui hésitent encore à m'en faire part en commentant ce message ou en écrivant à tad2007@free.fr

Source de la photo : http://www.photo-libre.fr


vendredi 23 mai 2008

Comment le tuteur peut aider un apprenant à exercer son autonomie? Par Jacques Rodet

Il est communément admis que l'apprenant à distance doit être autonome. A moins de considérer l'autonomie du futur apprenant à distance comme un préalable à son inscription à une formation (cf. l'article de Françoise Demaizière : Autonomie : objectif ou prérequis ?), les concepteurs en amont et les tuteurs lors de la formation doivent s'interroger sur la manière dont ils peuvent aider les apprenants à être autonomes.

« Etre autonome » est une expression qui pose problème. En effet, aucun individu n'est autonome dans l'absolu mais toujours relativement à une tâche à réaliser et à ses conditions de réalisation. De plus, il y a une injonction paradoxale à réclamer des apprenants qu'ils soient autonomes. C'est pourquoi, je préfère l'expression, plus lourde mais plus juste à mes yeux, d'exercice de son autonomie. Cet exercice s'inscrit dans un processus où les progrès peuvent être suivis de régressions. Aussi, l'autonomie n'est pas quelque chose qui est possédée mais qui s'exerce et se vit.

Dès lors, la question que le tuteur doit se poser est : comment, comme tuteur, puis-je aider cet apprenant à exercer son autonomie dans le cadre de son parcours d'apprentissage ?

Avant d'apporter quelques éléments de réponse à cette question, il est utile de rappeler que le concepteur de formation à distance doit également avoir pour préoccupation d'aménager les conditions d'exercice de l'autonomie par les apprenants. A cet égard, le texte d'André-Jacques Deschênes indique plusieurs pistes intéressantes (DESCHÊNES, André-Jacques (1991). Autonomie et enseignement à distance. Dans La Revue canadienne pour l'étude de l'éducation des adultes, mai, vol. V, n°1, p.32-54).

Comment, comme tuteur, puis-je aider cet apprenant à exercer son autonomie dans le cadre de son parcours d'apprentissage ?

Il ne s'agit pas pour moi, ici, de donner une recette, mais bien au contraire des pistes à explorer de manière... autonome.

Une des premières choses que le tuteur peut faire est certainement de s'interroger sur ses propres connaissances sur l'autonomie de l'apprenant et à faire le point sur sur ses habiletés à l'exercice de son autonomie.

Ensuite, il peut inviter l'apprenant à faire de même en lui proposant une activité d'auto-évaluation diagnostique tant sur ce qu'il connaît de l'autonomie que sur ses expériences d'exercice de son autonomie.

Le tuteur peut alors engager un dialogue avec l'apprenant sur les difficultés que celui-ci a repéré pour agir de manière autonome dans sa formation et lui transmettre des informations et/ou lui indiquer des ressources susceptibles de lui faciliter l'exercice de son autonomie.

Très fréquemment, les obstacles identifiés par l'apprenant sont d'ordre méthodologique. Par exemple, un apprenant a un travail d'analyse à effectuer mais ne sait pas comment établir sa grille d'analyse. Il appartient alors au tuteur à lui apprendre comme la constituer.

Un autre moyen est relatif au support métacognitif. En effet, il existe de nombreux liens entre la capacité d'un apprenant a porter un regard métacognitif sur lui comme apprenant, sur les tâches qu'il accomplit, sur les stratégies qu'il utilise, sur sa capacité à organiser son apprentissage, et sur sa capacité à agir de manière autonome. (cf. mon texte Autonomie et métacognition in Chroniques et entretiens).

Il appartient donc au tuteur d'aider l'apprenant à se situer relativement à un objet d'apprentissage et à en déduire les activités à lui proposer.

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Source de la photo : http://www.photo-libre.fr


lundi 19 mai 2008

Paroles de tutrice : Anna Vetter

Il y a maintenant 4 ans, Anna Vetter avait bien voulu répondre à quelques unes de mes questions relatives à l'action de formation des tuteurs qu'elle avait menée à l'Open University. A la suite du dernier sondage consacré à la formation des tuteurs, il semble à propos d'inscrire cet entretien dans la série "Paroles de tuteurs". Si les "temps héroïques" de la formation des tuteurs, auxquels je faisais référence dans mon introduction, ne semblent plus tout à fait d'actualité, cet entretien n'a pas réellement vieilli. C'est pourquoi, je le reproduis dans sa version originale de 2004.

Anna Vetter est :

- Chef de projet FOAD (FSP 2006-32 : formation des formateurs de formateurs de FLE à la FOAD)
- Formatrice de formateurs dans des stages d'ingénierie pédagogique (Univ. Franche-Comté, CNED, MAE).
- Conceptrice de formations à distance (Stratice) et conceptrice de contenus pédagogiques pour la FOAD en Français Langue Etrangère (Open University).
- Titulaire d'un doctorat de littérature comparée (1999) portant sur les interférences des codes littéraires et picturaux
- Titulaire d'un DESS (2003) "Ingénierie Pédagogique dans des Dispositifs Ouverts et à Distance" (IPDOD).

- Elle anime un site riche en ressources qui vient de faire peau neuve : supportsfoad


INTRODUCTION

La formation des tuteurs à distance apparaît incontournable tant la variété des tâches qui leur sont demandées d'assumer est grande. Il est en effet difficile de trouver tout à la fois sinon des spécialistes du moins des connaisseurs du champ disciplinaire, des bons techniciens, des pédagogues sachant apporter aide et support de manière personnalisée aux apprenants, des experts de l'apprentissage, des guides sur le plan méthodologique, des personnes ayant développées des compétences d'écoute, de support affectif, etc.

Encore assez peu développées les actions de formation de tuteurs à distance visent à doter les personnes concernées des connaissances nécessaires à la réalisation de leurs tâches d'encadrement et de support à l'apprentissage auprès des apprenants. Celles-ci portent sur différents plans (cognitif, méthodologique, technologique, administratif, motivationnel, socio-affectif, métacognitif). Ces formations ont pour but de professionnaliser ce nouveau profil d'acteur pédagogique.

J'ai le sentiment que nous en sommes encore aux temps héroïques de la professionnalisation des tuteurs. Il est à remarquer que si les formations de formateurs aux NTIC se multiplient, sans toutefois toujours trouver de nombreux candidats (les formateurs seraient-ils les moins formés à l'instar des cordonniers, les plus mal chaussés…), les cursus dédiés au tutorat restent largement à créer.

Et si, les tuteurs se devaient être des professionnels de l'accompagnement des apprenants mais non pas des connaisseurs de contenu ? Plus iconoclaste, les tuteurs ne devraient-ils pas être des " maîtres ignorants " ? Jacques Rancière (Le maître ignorant, Fayard, 1987) nous livre l'histoire étonnante autant que passionnante de Joseph Jacotot qui, au début du XIXe, enseignait ce qu'il ignorait et proclamait l'émancipation intellectuelle.

La question du recrutement et de la formation des tuteurs se poserait dans des termes radicalement différents. Plutôt que de confier des tâches de tutorat à des professeurs (en heures complémentaires) dont nous savons qu'ils sont, pour la plupart, plus aptes à enseigner qu'à supporter les apprenants dans leurs parcours de formation, le recrutement des tuteurs privilégierait d'autres profils (pédagogues, méthodologues, technologues, psychologues, …). Ces tuteurs pourraient intervenir sur de nombreux cours différents puisque ce ne serait pas leurs connaissances disciplinaires qui les qualifieraient mais bien leurs compétences en stratégies d'apprentissage, leur savoir-faire permettant aux apprenants d'apprendre à apprendre et de devenir autonomes, leur propension à l'empathie…

Il se pourrait même que ce soit la seule perspective pour que le métier et le statut de tuteur émergent réellement et que les solutions actuelles de tutorat, trop souvent bricolées au dernier moment soient rangées au Panthéon des premiers âges de la formation à distance.

Pour autant, et en revenant au temps présent, il est possible de trouver quelques expériences de formation de tuteurs qui visent la professionnalisation de ces intervenants. Effet du hasard ( ?), c'est dans les institutions ayant une pratique ancienne de la formation à distance que nous les trouvons. C'est le cas à la Téluq, où les tuteurs bénéficient d'une véritable reconnaissance professionnelle inscrite dans une convention collective mais aussi à l'Open University où existe une réelle politique de formation des tuteurs dont je me suis entretenue avec Anna Vetter. Cet entretien est plus spécifiquement consacré à son expérience de formatrice de tuteurs à l'environnement Lyceum.

ENTRETIEN

Jacques Rodet : Bonjour Anna. Tu as participé à l'animation d'une formation de tuteurs à l'Open University. Peux-tu nous préciser le contexte de ton intervention (programme concerné, nombre de personnes concernées, statut du personnel visé, etc.) ?

Anna Vetter : Bonjour Jacques. La formation à laquelle j'ai participé était destinée aux tuteurs qui, à l'Open University sont chargés d'animer les travaux pratiques en FLE (Français Langue Etrangère) d'un cours de niveau avancé, dans l'environnement audiographique synchrone, Lyceum. Il s'agissait d'une expérimentation qui ne concernait qu'une petite population de tuteurs (je n'ai pas les chiffres en tête mais il me semble qu'ils ne sont pas plus de douze sur le cours concerné). Sur les sept tuteurs inscrits à la formation, cinq l'ont suivie. Quatre de ces personnes avaient déjà animé des TP (travaux pratiques) avec Lyceum. La formation s'est déroulée en deux séances. Trois tutrices ont participé à la première et cinq à la seconde. Les objectifs de cette formation étaient les suivants :

Séance 1 :
Découvrir ou revoir l'environnement technique de Lyceum : comment utiliser les modules de ressources partagées (tableau blanc, traitement de texte et carte conceptuelle) ainsi que les outils de communication disponibles : parler en synchrone, donner son avis en votant Oui ou Non et utiliser le chat.

Séance 2 :
Echanger sur les pratiques pédagogiques sur Lyceum (rôle et fonctions du tuteur, comment motiver les étudiants, mettre en place des conventions de communication, comment faire un bilan, les outils de gestion de son groupe, quand/comment évaluer).

Séances 1 et 2 :
Développer la confiance en soi, l'esprit d'entraide et de partage (parler de ses problèmes, partager ses outils, faire des suggestions).
Evaluer la pertinence d'une communauté de tuteurs comme modalité de formation continue (objectif visé par l'institution).

J.R. : Lyceum, un environnement audiographique synchrone ? Peux-tu nous en dire plus ?

A.V. : Dans Lyceum, tuteurs et étudiants disposent exactement des mêmes privilèges et des mêmes fonctionnalités. On peut communiquer oralement (c'est bien sûr la modalité la plus utilisée en TP de langues) et à l'écrit dans le chat. Il existe un troisième mode plus graphique, qui permet aux participants, en cliquant sur des boutons de donner leur avis (le vote "oui" ou "non") ou d'indiquer une absence momentanée. Lyceum est structuré un peu comme un bâtiment, par étages, lesquels comprennent des salles : les participants dans une même salle n'entendent bien sûr pas ce que disent ceux d'une salle voisine. Cela permet au tuteur d'organiser des activités en sous-groupe et des rassemblements en séance plénière. Chaque salle dispose de trois types d'applications partageables : un tableau blanc, un traitement de texte et une carte conceptuelle, qui sont modifiables en temps réel par l'ensemble des participants simultanément. Ainsi, pour préparer sa séance, le tuteur choisit dans un ensemble de scénarios pédagogiques livrés avec leur ressources (tableau blanc, document texte ou carte conceptuelle) sous forme de fiches pédagogiques, les activités qu'il veut faire faire à ses étudiants. Il prépare sa séance, se connecte sur Lyceum avant le début de la séance et "affiche" les écrans-ressource dans les salles qu'il compte exploiter. Il poste ensuite un message à l'intention des étudiants leur signalant dans quelles salles vont se dérouler les activités et il les accueille dans une salle en plénière. Ce qui me semble le plus différent entre le tutorat en présentiel et celui sur Lyceum, c'est la gestion de la communication avec les étudiants : dans Lyceum, le tuteur peut simultanément se retrouver en situation de compréhension orale/écrite et ceci à différents niveaux (rétroaction immédiate et préparation du bilan de séance).

Pour plus de détails sur les fonctionnalités techniques de Lyceum et sur la structure des fiches pédagogiques proposées, consultez l'article L'enseignement des langues avec Lyceum à l'Open University

J.R. : Tu sais que la question de la formation des tuteurs fait débat. Certains auteurs y sont très favorables et proposent des formules, parfois très précises, pour permettre aux futurs tuteurs de mieux appréhender leurs rôles et de les doter de connaissances méthodologiques et technologiques. D'autres, au contraire, pensent que la formation des tuteurs peut être contre productive dans la mesure où le tuteur se transforme alors en professionnel de l'encadrement et que le principal intérêt du tutorat serait de mettre en relation des personnes proches socialement. L'Open University a manifestement choisi la première solution. Qu'est-ce qui, à ton avis, a pesé dans ce choix de l'Open University ? De ton côté, quels sont les ressorts essentiels qui te poussent à former des tuteurs ?

A.V. : En effet, on peut ranger l'Open University dans le groupe de ceux qui estiment la formation des tuteurs productive, mais… pas seulement les tuteurs ! L'Open University est une institution qui emploie des milliers de personnes (3 000 en poste, dont 900 enseignants-concepteurs à Milton Keynes, et quelques 8 000 tuteurs vacataires) et au sein de laquelle, quel que soit son statut, chacun dispose d'un droit à la formation. Si certaines formations sont animées par des experts, la plupart du temps, l'Open University invite ses salariés à s'autoformer à partir d'un matériel produit par l'institution qui relève du tutoriel (textuel ou animé).

Mais revenons aux tuteurs : pour mieux répondre à ta première question, je vais te décrire un peu qui sont les tuteurs en langues à l'Open University et faire un petit historique de ce qui leur a été proposé en terme de formation. Les tuteurs en langues de l'Open University sont des enseignants déjà confirmés dans leur discipline. Le tutorat qu'ils assurent pour l'Open University est en général un emploi à temps partiel. Les tuteurs sont chargés de suivre un groupe d'une quinzaine d'étudiants : ils corrigent et évaluent les travaux rendus par les étudiants, veillent à ce que chacun exploite au mieux le matériel pédagogique fourni et assurent des séances de travaux pratiques régulières en présentiel ou sur Lyceum. Ces TP ont pour objectif la pratique de l'oral et proposent des activités dans lesquelles les étudiants sont amenés à s'exprimer individuellement mais aussi à travailler en groupes. L'Open University est soucieuse de proposer à tous ses étudiants une prestation tutorale de qualité équivalente (en présentiel ou sur Lyceum) ; d'un autre côté, une grande liberté est accordée au tuteur pour préparer et animer sa séance pourvu qu'il respecte la progression générale du cours. Le matériel pédagogique qui lui est proposé va dans ce sens : il n'est pas dirigiste car on encourage au contraire l'adaptation, la sélection et le découpage, c'est-à-dire : l'appropriation des ressources.

En langues vivantes, Lyceum est utilisé depuis seulement un an ou deux (selon les langues concernées). Cette nouveauté impliquait donc, pour le département de langues, de proposer aux tuteurs une formation spécifique. La première formule proposée a été une formation à l'utilisation technique de Lyceum, dispensée par des informaticiens. Ainsi, la première génération de tuteurs en langues sur Lyceum a du s'initier toute seule à l'utilisation pédagogique de cet outil. En terme de formation professionnelle continue, les tuteurs sont suivis par un "staff-tutor" qui organise leur emploi du temps mais surtout constitue un interlocuteur privilégié pour les questions d'ordre pédagogique. Aujourd'hui, encore assez peu de "staff-tutors" sont familiers avec Lyceum. Au sein du département de langues, un groupe de travail s'est mis en place pour observer l'évolution des pratiques sur Lyceum et pour analyser les besoins en formation des tuteurs. C'est ainsi qu'il m'a été confié d'expérimenter sur un petit groupe de tuteurs Lyceum une formation, non sur le mode "tutoriel à consulter" mais en synchrone, sur Lyceum, avec des tuteurs volontaires et demandeurs de formation.

Ce qui m'a poussée à me lancer dans l'aventure est d'abord le goût pour ce type de formation. Je suis en effet formatrice de formateurs depuis six ans et j'apprécie d'échanger avec des enseignants car j'en apprends toujours beaucoup à chaque fois. Par expérience, j'ai remarqué que les profs aiment parler de ce qu'ils font. Par ailleurs, j'ai expérimenté Lyceum comme tutrice et animatrice de TP. A cette occasion, j'ai eu la chance de pouvoir échanger avec une collègue tutrice. Ces conversations ont été très riches et m'ont poussée à imaginer des outils à partager avec d'autres tuteurs. Enfin, Lyceum est un environnement assez original (car fondé sur la relation synchrone) et je trouve que c'est un outil formidable pour l'enseignement à distance.

J.R. : J'ai été confronté à la question de la formation des tuteurs lorsque je me suis investi dans la première expérimentation de l'encadrement par les pairs à la Téluq. La formation dont j'ai alors bénéficié se fixait les objectifs suivants : mieux connaître et comprendre le rôle du pair ancien ; planifier une intervention auprès d'un nouvel étudiant ; réaliser une intervention auprès d'un nouvel étudiant ; développer son style d'aide comme pair ancien ; faire le point sur ses compétences comme pair ancien ; aider le pair nouveau à planifier, réguler et évaluer sa démarche ; développer des outils pour assurer un suivi efficace de son intervention comme pair ancien ; fournir une rétroaction au pair nouveau ; évaluer son intervention ; identifier les besoins d'un pair nouveau ; aider le pair nouveau à identifier ses besoins ; aider le pair nouveau à développer de nouvelles stratégies d'étude, de lecture ou d'écriture. Retrouves-tu dans ces objectifs certains qui étaient ceux de la formation des tuteurs à l'OU ? D'autres objectifs étaient-ils visés ?

A.V. : Comme je l'ai dit précédemment, les tuteurs de l'Open University sont déjà enseignants donc nous ne sommes pas tout à fait dans le même cas que celui de l'encadrement par les pairs à la Téluq, qui semble se rapprocher du tutorat dans le DESS UTICEF qui est lui aussi assuré en partie par des "anciens" étudiants.

Les TP sur Lyceum ne représentent qu'une partie du travail du tuteur à l'Open University. Mais pour établir un parallèle avec les objectifs de la formation de la Teluq, on peut dire qu'ils existent également pour les tuteurs à l'Open University. Ils sont seulement traités par un autre interlocuteur : le "staff-tutor" dont je parlais tout à l'heure. La formation que j'ai assurée n'était orientée que sur la partie "TP sur Lyceum", ce qui explique que ses objectifs étaient liés aux manipulations techniques et à la relation pédagogique spécifique à Lyceum : préparation et animation de la séance et suivi des étudiants.

Il faut également garder en tête que cette formation était expérimentale et n'avait pas une ambition exhaustive de formation. Il ne s'agissait pas de "fabriquer des tuteurs Lyceum" en deux jours à partir de rien. Ici, nous étions davantage dans une logique de réflexion entre les modalités de tutorat en présentiel (on dit "face to face" à l'Open University) et celles avec Lyceum. Dans le cas de la formation que j'ai animée, le concept est celui d'une communauté qui aborde différents thèmes (proposés aux tuteurs et négociés avec eux) sur la durée.

J.R. : Si tu le permets, je continue cette mise en parallèle de nos expériences. La formation des pairs anciens à la Téluq a été animée par un professeur et s'est déroulée selon deux modalités : activités collectives réalisées par audio-vidéoconférence, par forum et activités individuelles (lectures, encadrement d'un pair ancien suivant également la formation, activités de perfectionnement selon les besoins). Comment cela s'est-il passé à l'Open University ? Selon quelles modalités temporelles et techniques ont été formés les tuteurs ?

A.V. : Il s'agissait d'une formation synchrone sur Lyceum : donc en audioconférence, comprenant deux séances de deux heures chacune. Les tuteurs ont reçu le programme 15 jours avant le début de la formation. Ce programme était accompagné d'un document de préparation à la première séance qui était consacrée au rafraîchissement des connaissances techniques du tuteur sur Lyceum. En effet, pour pouvoir utiliser les ressources conçues pour les TP, les tuteurs doivent se familiariser avec quelques procédures de stockage, de sauvegarde et de modification des ressources. Le document proposait donc un rappel de ces manipulations et invitait les tuteurs à en faire la répétition tout seul avant la première séance. Lors de cette séance, les tuteurs ont été confrontés (en binômes) à des situations de manipulations typiques. Nous avons ensuite fait le point sur les manipulations qui posaient problème : ceux qui avaient réussi ont expliqué à ceux qui avaient rencontré des problèmes. Cette séance s'est terminée sur un échange de " trucs et astuces " techniques qui pouvaient aider le tuteur dans sa préparation de séance et dans la gestion de son groupe lors des TP.

Pour la seconde séance, les tuteurs n'avaient rien à préparer, mais à lire une fiche-témoin tirée du guide pédagogique qu'ils devaient recevoir peu après. Les dix premières minutes ont été consacrées à la présentation critique de la structure des fiches et à l'esprit pédagogique dans lequel elles sont fournies. Les tuteurs ont posé quelques questions relatives aux fiches. Ensuite, deux activités à réaliser en groupes puis en plénière leur ont été proposées. La première consistait à faire la liste de ce qu'ils se voient faire lors de la préparation de la séance. Les tuteurs ont préparé leur liste par groupes de trois et il a été procédé à une présentation en plénière… laquelle a donné lieu à des échanges sur les multiples compétences à mettre en œuvre par le tuteur avant même d'avoir commencé les TP. La dernière activité était plus ouverte : il s'agissait, toujours en groupe, de formaliser les questions que se posaient les tuteurs sur des sujets divers (en lien avec l'animation pédagogique). Les questions ont ensuite été mises en commun et chacun a été invité à proposer une réponse, une solution ou à évoquer une pratique susceptible de constituer une piste.

J.R. : Quelles sont les principales conclusions que tu tires de ton expérience de formatrice de tuteurs à l'Open University ? Qu'est-ce qui te semble généralisable à toute formation de tuteurs ? Ou au contraire penses-tu que le contenu d'une formation de tuteurs ne peut être que spécifique à chaque contexte ?

A.V. : Ce que je tire de cette petite expérience, c'est d'abord l'intérêt de faire échanger les tuteurs en synchrone. Cette modalité me semble plus efficace que de donner à lire des documents d'auto-formation. Du reste, on sait que les tuteurs de l'Open University n'ont globalement pas le temps de le faire… alors qu'ils aiment parler de ce qu'ils font et écouter les autres. Cette modalité les rend donc actifs.

Ce qui me semble généralisable, c'est la modalité retenue plus que le contenu : dans notre cas, le fait de faire se rencontrer les tuteurs et de leur proposer des sujets de réflexion sur leur pratique. Adopter une posture réflexive sur son travail est très difficile à faire tout seul (car il faut déjà se construire des outils d'auto questionnement, ce qui prend du temps) alors qu'en groupe, cela se fait plus naturellement. En plus, les tuteurs n'ont pas à préparer quoi que ce soit (je parle ici de la deuxième séance consacrée à l'appropriation pédagogique de Lyceum) puisque c'est le formateur qui propose et anime les situations d'échange. Les tuteurs m'ont du reste confié qu'ils aimeraient bien plusieurs rencontres de ce genre en cours d'année à condition qu'une personne se charge de la préparer car ils n'ont pas le temps de le faire.

Le contenu de formation à proprement parlé est, dans cette modalité, surtout construit par les participants. Il n'empêche qu'au cours de la séance, j'ai pris des notes et sauvegardé des écrans Lyceum produits par les tuteurs afin d'en faire la synthèse (que j'ai envoyée par courriel aux participants) et aussi, pour conserver une trace des questions et solutions débattues lors des échanges. En fait, le contenu s'est matérialisé après la formation. Il est donc a priori spécifique au contexte du tutorat avec Lyceum.

C'est du reste assez conforme à l'esprit que j'ai adopté en préparant cette formation : écouter les tuteurs et identifier leurs besoins, miser sur le fait que dans leur cas (pédagogues professionnels "qui n'ont pas le temps de lire") c'est l'échange qui peut les enrichir le plus. Dans ce cas-là, il me semble que c'est la formule la plus réaliste et la plus efficace

Je crois aussi que les tuteurs se posent les mêmes questions dans la mesure où l'on aborde des thèmes qui peuvent être considérés comme des incontournables et pourquoi pas, des invariants :

  • construire des outils de suivi (de son groupe d'étudiants)
  • perfectionner ses compétences de communication
  • gérer le temps
  • s'interroger sur le feed-back, le bilan et l'évaluation
  • maintenir ses savoirs-faire techniques dans l'environnement de FOAD

Je crois qu'à la faveur de la formation, il convient d'adapter ce "contenu" au profil tutoral visé et à l'environnement dans lequel le tutorat s'actualise. Car il me semble que cela ne devient un objectif de formation de tuteurs qu'au moment où eux, les tuteurs, l'expriment comme un besoin.

J.R. : Dans ma chronique du mois de février, j'ai traité de l'effet-tuteur. Peux-tu nous dire ce que tu as retiré de cette expérience de formation de tuteurs pour ta propre pratique de tutrice ?

A.V. : J'ai bénéficié de l'effet-tuteur sur deux plans. Premièrement pour mon travail de conception et de rédaction de matériel pédagogique à l'attention des tuteurs qui interviennent sur Lyceum : écouter les tuteurs évoquer leur expérience sur Lyceum me permet d'être plus proche de leurs réflexes, de ce qui leur fait question et de ce qu'ils recherchent. C'est donc une source d'informations de "première main" dont le bénéfice est inestimable pour un concepteur qui se retrouve immanquablement dans "la peau tuteur" lorsqu'il écrit. En second lieu, je citerai des effets plus immédiats : le plaisir de la conversation et de l'écoute.

Toutefois, je ne sais pas quand je vais pouvoir tutorer à nouveau sur Lyceum et donc réinvestir dans ma pratique le bénéfice de cette expérience. Mais je peux d'ores et déjà dire que les échanges avec les tuteurs m'ont aidée à formaliser des points qui me posent problème en tant que tutrice, comme la gestion du temps par exemple et motivée pour développer des outils d'aide à la gestion de d'une séance (un prototype est en cours de test par une tutrice).

J.R. : Peux-tu en dire plus sur ce prototype ?

A.V. : En discutant avec les tuteurs, je me suis aperçue que certains avaient du mal à s'approprier les orientations suggérées dans la rubrique "bilan" de la fiche : d'après eux, il se passe beaucoup de choses au cours de la séance qui mériteraient d'être discutées à la fin, outre les orientations linguistiques proposées dans la fiche. Il m'a semblé que cette difficulté était liée au travail de prise de notes par le tuteur au cours de la séance. En effet, comme je l'ai dit, les tuteurs sont, en séance, très sollicités (compréhension/expression permanente) : il y a parfois surcharge cognitive qui complique la prise de recul "hors du feu de l'action" comme dirait Ph. Perrenoud.

J'ai donc imaginé un canevas de fiche destiné à faciliter la prise de notes par le tuteur lors de la séance qui met en avant les aspects-clé d'une séance sur Lyceum en vue du bilan: interactions dans le groupe, stratégies développées par les groupes pour réaliser la tâche, contenu du travail produit et problèmes rencontrés par les étudiants.

J.R. : Merci Anna, pour cet entretien


jeudi 15 mai 2008

Le tuteur à distance en quête d'équilibre... par Jacques Rodet

Si il y a quelques années, le débat entre les tenants de la réactivité du tuteur et ceux de sa proactivité a été assez nourri, il semble aujourd'hui bien établi que l'une et l'autre modalité sont utiles et à employer par le tuteur à distance. Le choix s'effectuera en fonction des caractéristiques des apprenants, du moment de la formation, du type de support à fournir, de l'effet recherché, etc.

Il n'en reste pas moins que ce débat a plus ou moins occulté ce qui en était la cause [1]. En effet, derrière la question de la proactivité ou de la réactivité, se tient celle bien plus difficile à traiter, car ne pouvant l'être de manière générique, de la distance à adopter vis à vis de chaque apprenant : est-ce que j'en fais suffisamment ? Est-ce que je n'en fais pas trop ? Telles sont les questions qui accompagnent nombre de tuteurs et devraient les guider tous.

La recherche du ce qu'il faut pour l'apprenant, au moment où il le faut pour l'apprenant et de la manière dont il le faut pour l'apprenant (la répétition est lourde mais nécessaire), tient, pour le tuteur, d'une hybridation des douze travaux d'Hercule et du châtiment de Sisyphe. Tâche d'une redoutable ampleur où la réussite tient de l'exploit, tâche récurrente, à reprendre pour chaque apprenant, lors de chaque intervention ou intention d'intervention.

La seule solution qui me semble envisageable est de gagner en expérience à ressentir la bonne distance, l'équilibre. Si il sera bien difficile de rivaliser avec l'otarie qui illustre ce billet sur le plan de l'équilibre, il est certain que l'entraînement, qui permet de tirer des leçons des erreurs commises, pour peu qu'il soit précédé d'un échauffement adéquat (suivre une formation de tuteur par exemple), est une bonne manière de se constituer un répertoire d'expériences dans lequel il est ensuite possible de puiser pour trouver la bonne distance. Cette solution nécessite au préalable de s'autoriser à devenir avant d'être, de considérer et d'utiliser l'erreur comme un point d'appui, d'adopter une démarche pragmatique qui implique son pendant : se doter d'une éthique dont l'un des principes pourrait être : souviens-toi que tes interventions visent d'abord des destinataires et ensuite seulement, ont des destinations.

Deux suggestions pour d'éventuels commentaires et/ou publications de billets :

  • Témoigner de vos expériences, de votre recherche pragmatique d'équilibre entre le trop et le pas assez vis à vis de vos apprenants.
  • Proposer d'autres principes pour une éthique du tuteur à distance.

_________________________

[1] Il est vrai que les tuteurs, ceux-là mêmes qui sont confrontés au choix du type d'intervention à avoir en direction des apprenants, avaient une propension moins grande aux positions de principe et ont bien moins participé à ce débat que d'autres.


lundi 12 mai 2008

Retour sur le sondage « Avez-vous reçu une formation pour exercer vos fonctions tutorales ? »

16 personnes ont répondu à la question « Avez-vous reçu une formation pour exercer vos fonctions tutorales ? »

Une majorité (56%, soit 9 répondants sur 16) n'a pas reçu de formation. Il y a deux manières d'interpréter ces résultats semblables à celles qui nous font considérer un verre à moitié plein ou à moitié vide.

Commentaire du verre à moitié vide :-(
Il est regrettable de constater que les tuteurs ne soient pas mieux formés en amont de leurs interventions. Cela tient tout à la fois du manque général de formation des professionnels de l'éducation, du manque de reconnaissance pour la fonction tutorale, d'une négligence des institutions vis à vis des apprenants que les tuteurs sont amenés à accompagner, d'un manque d'investissement dans l'humain au profit de celui réalisé dans les outils qui caractérise assez largement le monde du e-learning, etc.

Commentaire du verre à moitié plein :-)
Près d'un répondant sur deux a reçu une formation pour exercer ses fonctions tutorales. Ceci est un résultat encourageant et significatif d'une plus grande prise en compte de l'humain dans le monde du e-learning. De plus en plus d'entreprises, d'universités, d'institutions de formation présentes dans le e-learning ont compris que l'accompagnement des apprenants était la clé du succès et sont donc prêtes à investir dans la formation des tuteurs, etc.

A consommer avec modération !
Les répondants de ce sondage sont issus d'une population bien ciblée, celle des visiteurs de ce blog qui manifeste donc déjà une certaine appétence pour l'objet tutoral. Ils ne représentent pas un échantillon de l'ensemble des tuteurs dont beaucoup exercent sans avoir conscience de leurs tâches de tutorat.

Et parce qu'il vaut mieux éviter de boire sur un estomac vide...
De quelle formation ont bénéficié les répondants ? Formation technique ? Pédagogique ? Quelle en a été la durée ? Le contenu ? Les modalités ? En présentiel ? À distance ? Est-elle intervenue en amont de leur interventions tutorales ou après que celles-ci aient débuté ?

...Merci de laisser vos recettes en commentaires !

Image dans son contexte original, sur la page forum.hardware.fr/hfr/Graphisme/Infographie-2...


mercredi 7 mai 2008

Recherche sur la persévérance en FAD

Le tutorat est souvent justifié par la lutte contre l'abandon des apprenants à distance. Savoir contribuer à la persévérance est donc une compétence indispensable à développer par les tuteurs.

Nul doute que les résultats de la dernière recherche sur cette question, effectuée pour le compte du Refad, pourra aider plus d'un tuteur à poursuivre cet objectif avec ses tutorés.

A consulter également la très riche bibliographie commentée.


Présentation publiée sur le site du Refad

Préparée pour le REFAD par Mme Lucie Audet, cette recherche a pour but d’identifier et de mettre en évidence les facteurs qui influencent la persévérance et la réussite scolaire des étudiant(e)s en formation à distance au niveau secondaire, tout en faisant un parallèle avec les autres paliers d’enseignement (collégial et universitaire) grâce à une recension des écrits déjà existants...

Cette recherche pancanadienne permet d’identifier auprès des étudiants, entre autres :

  • les difficultés rencontrées et ce qu’ils ont développé comme stratégies pour les surmonter ;
  • leur perception de l'enseignement à distance ;
  • ce qu’ils ont dû modifier lorsqu’ils sont passés d’un enseignement plus traditionnel à un contexte d’enseignement à distance, le cas échéant ;
  • les principaux aspects perçus comme négatifs et comme facteur principal d’abandon ;
  • les conditions de réussite reliées à la motivation, l’autonomie, et l’encadrement.

À partir de l’abondante littérature existante concernant l’abandon scolaire, cette recherche a pour but premier de mettre l’emphase sur le milieu particulier de la formation à distance au niveau secondaire, et plus particulièrement en milieu minoritaire francophone. Cette recherche a également pour but d’effectuer des parallèles directs avec les facteurs qui influencent également la persévérance aux niveaux collégial et universitaire, et ce autant au Québec que dans les différentes communautés francophones et acadienne du pays.

Le document principal / synthèse est disponible à Perseverance synthese Mars 2008.pdf (Document PDF, 1.11Mo).

La bibliographie commentée est disponible à Perseverance Bibliographie Mars 2008.pdf (Document PDF, 1.91Mo).

L'équipe du REFAD tient à remercier Mme Lucie Audet pour la mise en oeuvre du projet et PENSIVO Inc. pour la mise en ligne.

Ce projet a été rendu possible grâce à un financement du Ministère du Patrimoine canadien (www.pch.gc.ca) et du Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes du Québec, (SAIC www.saic.gouv.qc.ca).


mardi 6 mai 2008

Les principes de conception de situations d'apprentissage de Boettcher

L'excellent blog Relief, vient de mettre à l'honneur Judith V. Boettcher en traduisant en français ses 10 principes de la conception de situations d’apprentissage efficaces.
D'inspiration clairement constructiviste, ces principes constituent, pour les tuteurs à distance, autant d'entrées pour interroger leurs pratiques. Ainsi, lorsque nous concevons des activités d'apprentissage, tenons nous compte des connaissances préalables, tant formelles qu'informelles, des apprenants ? Aménageons nous leur émergence ? Lorsque nous évaluons les apprenants, concevons nous des activités qui permettent de mesurer la compréhension et l'utilisation des concepts fondamentaux ou contentons nous de vérifier la mémorisation des contenus de cours ?
Bien d'autres questionnements peuvent être tirés de ces principes. Aussi n'hésitez pas à nous faire part de ceux que que vous aura inspiré la lecture de ces 10 principes.

Les principes de Boettcher

  1. Chaque expérience structurée d’apprentissage comporte quatre éléments (l’apprenant, le mentor ou professeur, le savoir, l’environnement), avec l’apprenant en son centre.
  2. Toute expérience d’apprentissage inclut l’environnement dans lequel l’apprenant interagit.
  3. Nous façonnons nos outils et nos outils nous façonnent.
  4. Les éducateurs sont les directeurs des expériences d’apprentissage.
  5. Les apprenants apportent leur propre bagage personnel de connaissances, d’habiletés et d’attitudes à l’expérience d’apprentissage.
  6. Chaque apprenant possède une zone proximale de développement qui définit l’espace qu’il est apte à développer en savoirs utiles.
  7. Les concepts ne sont pas des mots; les concepts sont des agglomérats complexes et organisés de connaissances.
  8. Tous les apprenants n’ont pas besoin d’apprendre les contenus de cours; tous les apprenants ont besoin d’apprendre les concepts fondamentaux.
  9. Diverses méthodes d’enseignement sont requises en fonction des objectifs d’apprentissage.
  10. Toutes choses étant égales, plus de temps à la tâche équivaut à plus d’apprentissages.

jeudi 1 mai 2008

Le tuteur à distance travaille-t-il le 1er mai ?

Les technologies rendent de nombreux services mais bien évidemment ne sont pas sans effet sur nos modes de vie. Ce que les travailleurs à distance constatent, c'est que leurs outils favoris, les amènent à ne plus distinguer aussi fortement les différents temps et les différents espaces qu'auparavant, en situation présentielle.

D'une part, le domicile est bien souvent le lieu de travail du tuteur (cf. le sondage que nous avons réalisé et où les trois quart des répondants déclaraient leur domicile comme un de leurs lieux de travail).

D'autre part, les temps privés et professionnels s'interpénètrent. Si j'en juge par le nombre de mails professionnels que je reçois en soirée et le week-end, l'amplitude du temps de travail de mes contacts est bien plus grande qu'avant l'avènement des TICE.

Alors que la disponibilité du tuteur est une qualité unanimement célébrée par les apprenants à distance, il est remarquable qu'une des revendications des tuteurs de la Téluq (je ne sais pas si ils ont obtenu satisfaction sur ce point) était de pouvoir prendre des congés entre Noël et le Jour de l'An.




Le premier mai, fête du travail durement gagnée, (cf. L'origine de la Fête du travail) est-elle signifiante pour les tuteurs ?

De mon côté, je fais le choix de la tradition en m'abstenant de travailler le 1er mai. Les apprenants que j'encadre attendront donc le 2 mai pour avoir de mes nouvelles.

Et les vôtres ? Bénéficient-ils de vos prestations le 1er mai ?