lundi 30 août 2010

Etre tuteur, c'est avant tout accompagner mais l'accompagnement ne se limite pas au tutorat. Par Jacques Rodet


Etre tuteur, c'est avant tout accompagner. Accompagner un individu dans son parcours d'apprentissage afin de lui permettre de cheminer harmonieusement et d'atteindre tous ses objectifs de formation, que ceux-ci soient académiques ou plus personnels.


Pourtant l'accompagnement ne se limite pas au tutorat et il est toujours intéressant de regarder d'un peu plus près les manières dont l'accompagnement est pensé et pratiqué dans d'autres champs que celui de la formation à distance. Ainsi, Lorraine Savoie-Zajc rappelle dans son article "Les dynamiques d'accompagnement dans la mise en place de communautés d'apprentissage de personnels scolaires" paru récemment dans le numéro e-293 de l'excellente Revue Education & Formation que Maela Paul identifie "plusieurs formes d'accompagnement : le counselling, le parrainage, le conseil, le mentorat, le compagnonnage, le coaching, le tutorat, la médiation sociale et la médiation éducative. Toutes ces formes partagent des caractéristiques communes par lesquelles on peut dégager sa vision de l’accompagnement : 1) la relation est asymétrique; 2)elle est contractualisée; 3) elle est circonstancielle; 4) elle est temporaire; 5) elle est co-mobilisatrice."

Dans ce même article, Lorraine Savoie-Zajc fait référence au travail de Louise Lafortune, en particulier à celui qui l'a amené à proposer un référentiel de compétences professionnelles pour l'accompagnement d'un changement (Compétences professionnelles pour l'accompagnement d'un changement : Un référentiel - PUQ, 2008). Les 8 compétences qu'il contient sont les suivantes :

C.1 : Adopter une posture visant à réaliser une démarche d’accompagnement d’un changement
C. 2 : Modeler une pratique réflexive dans l’accompagnement d’un changement
C. 3 : Prendre en compte la dimension affective dans l’accompagnement d’un changement
C. 4 : Maintenir une communication réflexive-interactive dans la préparation et l’animation du processus de
changement
C. 5 : Mettre en place une collaboration professionnelle pour cheminer dans un processus de changement
C. 6 : Mettre en place des projets d’action pour accompagner un processus de changement
C. 7 : Mettre à profit des pratiques évaluatives dans un processus de changement
C. 8 : Exercer un jugement professionnel en agissant de manière éthique et critique

Dans le cadre de la formation à distance, le changement est relatif au parcours d'apprentissage que l'apprenant effectue. Nul doute que les compétences identifiées par Lafortune sont transposables à cette situation. Par exemple, la C.2 renvoie aux différentes actions que le tuteur peut initier pour favoriser la métacognition de l'apprenant.

Il me semble donc que chaque tuteur peut se servir de ce référentiel d'une manière descriptive pour analyser ses pratiques ou prescriptive pour déterminer et concevoir ses actions d'accompagnement.

mercredi 25 août 2010

Encourager et apprécier... Réflexions autour des propositions de Christelle Celik. Par Jacques Rodet


Christelle Celik, dans sa thèse dont je me suis récemment fait l'écho, identifie plusieurs pratiques tutorales au sein d'un forum (Chapitre 5 – Les autres pratiques tutorales). Les principales sont :
- ouvrir et clore les messages réactifs-évaluatifs
- personnaliser la relation avec ses étudiants
- accrocher son lecteur : soigner le titre du message réactif ;
- rythmer ses contributions sur le forum et organiser sa réponse ;
- motiver la lecture des pairs et des commentaires tutoraux ;
- savoir questionner ;
- encourager et apprécier.

Je vais m'intéresser ici plus spécifiquement à la dernière de cette liste. Dans sa formulation, elle est assez proche d'un des champs de support à l'apprentissage que je situe sur le plan motivationnel : « encourager et féliciter ». (cf. http://blogdetad.blogspot.com/2009/01/un-petit-essai-de-vscasmo-propos-des.html)


Christelle Celik indique « Enfin, il revient aux tuteurs d’encourager les apprenants et d’apprécier leurs contributions. Dans le cadre d’une formation à distance en ligne où les étudiants sont isolés et où toutes les contributions, ainsi que les commentaires y afférents, sont publics et lisibles par tous, ces deux activités sont aussi importantes que délicates. »

Le terme féliciter renvoie au fait de souligner les réussites de l'apprenant y compris lorsque celles-ci se révèlent très partielles. Le terme « apprécier » manifeste davantage une expression critique. Il s'agit tout autant pour le tuteur de relever les points positifs du travail du tutoré que ceux qui ne le sont pas. C'est bien pour les points négatifs que l'expression du tuteur est délicate, mérite d'être soupesée, et ce d'autant plus qu'elle est publique et écrite.

Christelle Celik donne ici des précisions tout à fait utiles, en particulier en nommant certaines pratiques dans lesquelles nombre de tuteurs se retrouveront. « ...nous avons remarqué que les éventuelles critiques ou remarques que les tuteurs émettent à l’égard des contributions des étudiants sont fortement atténuées par ce que nous appelons à l’instar de Kerbrat-Orecchioni (2005) des adoucisseurs de FTAs (i) […] nous remarquons notamment, et ce souvent après une marque d’encouragement et une valorisation du travail fourni, divers adoucisseurs, comme des désactualisateurs temporels ou modaux et notamment un fréquent usage du conditionnel, des tournures impersonnelles ou passives, des modalisateurs, des minimisateurs, qui souvent sont combinés les uns avec les autres dans un même énoncé. » (p. 272-273)

Ces pratiques permettent certainement d'atteindre des objectifs d'entretien de la persévérance de l'apprenant. Elles font la part belle à des formulations qui permettent à l'apprenant de ne pas se sentir interpellé trop brusquement et qui maintiennent la possibilité de son écoute.

« Il est manifeste que ces tuteurs visent à adoucir le caractère de leurs remarques qui pourraient être perçues comme une atteinte à la face positive des étudiants. En effet, même si l’étudiant sait que l’enseignant est là pour corriger ses erreurs et juger de son travail, car cela fait partie du pacte pédagogique, il n’en demeure pas moins que dans le cadre d’une interaction à finalité pédagogique, l’étudiant cherche toujours à montrer le meilleur de lui-même. Aussi, une remarque de type FTAs, dans le cadre d’une interaction écrite (et qui donc va être pérenne sur le forum le temps du suivi) et surtout publique (car tout participant du forum pourra la lire), peut-elle être très mal vécue et inhiber durablement l’étudiant par la suite. » (p.274)

Si je souscris et me reconnais dans beaucoup de ces pratiques, il me semble toutefois nécessaire de s'interroger sur les effets d'une utilisation trop systématique des adoucisseurs. Est-ce que tous les apprenants y trouvent vraiment leur compte ? Les plus autonomes et matures ne risquent-ils pas de percevoir ces pratiques comme un maternage intempestif ? A se vouloir prévenant, le tuteur ne va-t-il pas être perçu comme un adepte du "tour autour du pot" ? Un évaluateur hésitant ? Et à l'extrême, ce qui serait plus grave et à l'inverse des objectifs poursuivis, comme une personne insuffisamment sincère et non digne de confiance ?

Il est bien difficile, et peut-être pas si utile que cela, de répondre de manière absolue à ces interrogations. Il est par contre important pour un tuteur à distance de les avoir à l'esprit pour mieux établir la relation qu'il entretient individuellement avec chaque apprenant et avec le groupe, relation dont la sincérité réside également dans sa particularité et qui ne peut donc être entièrement modélisable.


(i) : Les Face Threatening Acts (FTAs) sont les actes menaçants pour les faces, ceux qui risquent de porter atteinte à la face de l’un des interactants et qui donc mettent à mal l’ordre de l’interaction.


lundi 23 août 2010

Thèse de Christelle Celik : Pratiques discursives dans la formation en ligne à la didactique du FLE


Christelle CELIK a soutenu en juillet dernier sa thèse "PRATIQUES DISCURSIVES DANS LA FORMATION EN LIGNE A LA DIDACTIQUE DU FRANCAIS LANGUE ETRANGERE : une analyse de la communication pédagogique asynchrone." réalisée sous la co-direction de François Mangenot et Christine Develotte.

Présentation

Cette recherche a pour objet la communication pédagogique via Internet qui a eu lieu dans le cadre d’une formation d’enseignants de français langue étrangère entièrement à distance, tout au long de l’année universitaire 2004-2005.

Le postulat de départ sur lequel se fonde ce travail est le suivant : contrairement aux formations à distance traditionnelles, les formations en ligne sont censées créer des liens qui pallient en partie l’éloignement physique, ces liens étant de nature à la fois socio-affective et sociocognitive.

Dans le premier cas, il s’agit de créer un sentiment de communauté et de rompre ainsi l’isolement de l’étudiant à distance, dans le second d’améliorer la qualité de l’apprentissage à travers les interactions entre les différents membres du groupe. Or, si le rôle de la communication entre les membres est primordial, la communication par média interposé dans un contexte pédagogique ne va de soi ni pour les enseignants-tuteurs, ni pour les apprenants. Quelles pratiques discursives les acteurs mettent-ils en œuvre dans ce nouveau dispositif énonciatif presqu'exclusivement verbal et écrit que sont les formations entièrement en ligne ? Afin d’éclairer cette problématique générale, la recherche s’interroge sur les types de tâches qui suscitent la participation et facilitent l’interactivité entre les membres, sur les modalités de rédaction des consignes en ligne, sur les différentes pratiques tutorales tout au long du suivi et sur la constitution d’une communauté en ligne d’apprentissage.

La méthode s’appuie sur la triangulation des données. Aux échanges en ligne du corpus d’étude est appliquée une analyse de discours, qui permet de repérer aussi bien les phénomènes d’ordre socio-affectif que ceux d’ordre sociocognitif. Des entretiens et des questionnaires viennent éclairer l’analyse du vécu et du ressenti des différents acteurs dans les phases d’interprétation. Ce travail tente donc à travers la description d’un cas de communication pédagogique asynchrone de mieux comprendre les différentes pratiques, principalement discursives, des acteurs d’une formation en ligne.


Mots clefs :
analyse de discours médié par ordinateur, analyse des interactions en ligne, campus numérique, communauté en ligne, communication médiée par ordinateur, consigne en ligne, formation en ligne, tâche, tutorat en ligne.

Téléchargement : http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00508363/fr/