mercredi 2 mars 2011

Proactivité des interventions tutorales et autonomie de l'apprenant. Par Jacques Rodet


"Le modèle de tutorat utilisé est innovant et comporte, à la fois, de l'accompagnement proactif afin de permettre à chacun d'évoluer en totale autonomie dans l'environnement numérique pédagogique mis en place, et de l'accompagnement réactif."

Cette formule promotionnelle utilisée ici m'amène à questionner la capacité des interventions tutorales proactives à encourager l'autonomie des apprenants.

L'autonomie : un objectif
Si l'autonomie des apprenants est une compétence souhaitable, elle ne peut, à mon sens, être un préalable. Dès lors, elle est à concevoir plutôt comme un objectif. Il faut d'ailleurs s'entendre sur le sens donné à l'autonomie. Personne n'est autonome dans l'absolu mais toujours relativement à une tâche à effectuer. Par ailleurs, il est toujours possible d'accroitre son autonomie. Un apprenant autonome n'existe pas en soi mais toujours relativement aux tâches d'apprentissage qu'il a accomplir. Pour ce faire, il fait appel à des stratégies d'apprentissage. Celles-ci sont nombreuses et toute personne peut toujours élargir son répertoire de stratégies ou se perfectionner dans l'une d'entre elles. Aussi, l'exercice de son autonomie par un apprenant nécessite qu'il ait une bonne perception de ses forces et faiblesses dans son "métier d'apprenant". Le tuteur peut accompagner l'apprenant vers une plus grande autonomie en lui proposant des activités métacognitives qui lui permettront de porter un regard distancié sur ses stratégies d'apprentissage. De même, le tuteur, par la mise à disposition de fiches méthodologiques sur les tâches peut faciliter la prise d'autonomie de l'apprenant.

Proactivité et autonomie : aspects contradictoires
La proactivité consiste pour le tuteur à intervenir en prévention, par avance, en allant au devant des éventuels besoins d'aide de l'apprenant. Il peut donc exister une certaine contradiction entre le fait d'intervenir de manière proactive et le fait de laisser l'apprenant exercer son autonomie. De nombreux témoignages montrent d'ailleurs que les apprenants plus autonomes reçoivent avec circonspection, parfois avec agacement, les interventions proactives non différenciées de la part des tuteurs à distance. Intervenir de manière proactive trop fréquemment, ne revient-il pas à encadrer, à guider trop fortement l'apprentissage de l'apprenant ? Ce dernier ne risque-t-il pas de devenir dépendant des interventions proactives du tuteur ? Puisque le tuteur proactif intervient par avance, l'apprenant a-t-il encore la nécessité d'identifier ses besoins d'aide ? De porter un regard métacognitif sur sa posture d'apprenant ?

Proactivité et autonomie : une contradiction apparente mais non réelle
Si certaines interventions proactives sont certainement de nature à brider la liberté et donc l'exercice de son autonomie par l'apprenant, d'autres le facilitent. Ces interventions sont d'ordre essentiellement méthodologique, motivationnel et métacognitif. Transmettre par avance des informations et des ressources permettant à l'apprenant de mieux comprendre les attendus d'une tâche d'apprentissage et les stratégies à mettre en oeuvre est une de celles-là. Amener l'apprenant à faire le point sur les objectifs personnels qui le poussent à réaliser sa formation, à identifier sa motivation intrinsèque en est une autre. Proposer à l'apprenant de tenir un journal de formation, de procéder à des auto-évaluations de ses connaissances construites durant la formation est aussi une intervention proactive que le tuteur peut mener à l'intention de l'apprenant à distance.


Il n'y a donc pas de contradiction entre interventions proactives et développement de l'autonomie. Tout dépend des interventions réalisées. A noter, que l'exercice de l'autonomie par l'apprenant est également redevable à l'adoption d'interventions réactives par le tuteur. N'intervenir qu'au cas où, quand l'apprenant en manifeste le besoin, est certainement aussi une manière de respecter son autonomie. Cela suppose que le tuteur ait pu vérifier que sa non sollicitation est le fait d'apprenants autonomes et non d'apprenants n'osant pas demander de l'aide.


illustration : Paul Klee, Projet, 1938



1 commentaire:

aziz a dit…

très bonne explication de votre part Mr Jacques.
certainement, "N'intervenir qu'au cas où, quand l'apprenant en manifeste le besoin, est certainement aussi une manière de respecter son autonomie".
ceci à mon avis demande d'avoir une contrat préalable entre apprenant et tuteur sur la méthodologie de travail et eventuellemnt l'approche utilisé.
Merci encore une fois pour votre analyse.
choukriaziz@gmail.com