lundi 19 mars 2018

Quelques exemples d’interventions tutorales sur le plan métacognitif

Le plan métacognitif est certainement celui qui est le moins bien perçu, que ce soit par les tuteurs ou les apprenants. Effectivement, il est bien rare qu’un apprenant réclame un soutien métacognitif. Le terme lui-même ne renvoie pas toujours les tuteurs à une définition claire et précise. La métacognition est formée de deux termes : le préfixe « meta » qui nous vient du grec et qui signifie au-dessus, à propos ; cognition qui est la faculté de connaître, l’acte par lequel se construit la connaissance. Ainsi, la métacognition est une activité mentale sur ses processus mentaux, une prise de recul réflexif sur ses manières d’apprendre, sur ses stratégies cognitives.

Le plan de support métacognitif rassemble donc les interventions tutorales permettant à l’apprenant de mieux se connaître comme apprenant et est en rapport direct avec l’apprendre à apprendre.



ME-AO. Une stratégie cognitive est une manière dont l’apprenant va s’acquitter d’une tâche d’apprentissage. Par exemple, pour mémoriser une liste d’une vingtaine de mots, il peut les lire et les relire, les écrire, les organiser au sein d’une carte ou d’un tableau, les enregistrer et se les passer en boucle, utiliser, comme le font les champions de la mémoire, une image mentale sur laquelle il dispose les mots en recourant à l’analogie, etc. Toutes les manières de mémoriser cette liste de mots sont des stratégies cognitives. A l’âge adulte, ces dernières sont très installées chez l’individu, tout simplement parce que ses expériences lui ont permis d’éliminer les stratégies qui ne se révèlent pas efficaces pour lui. Le revers de la médaille est que l’adulte se contente souvent de quelques stratégies cognitives qui ont sa préférence mais qui ne sont pas toujours adaptées aux tâches qu’il doit réaliser. Le premier pas pour améliorer ou diversifier ses stratégies cognitives est de connaître celles que l’on utilise habituellement. Le tuteur peut ainsi transmettre un questionnaire composé de situations d’apprentissage et de propositions de stratégies sur lequel l’apprenant doit situer son usage. Cette simple activité permet à l’apprenant de prendre conscience de ses méthodes préférentielles d’apprentissage. Il est également possible de proposer une autre activité plus exigeante pour l’apprenant qui consiste à tenir un journal de formation dans lequel il note, tout au long de son parcours de formation, les stratégies cognitives dont il use.

ME-OR. Comme nous l’avons vu dans l’intervention « C-OR », l’apprenant est souvent en prise à des difficultés d’ordre temporel tant pour trouver le temps de son apprentissage que pour tenir les échéances. Outre les conseils que le tuteur peut lui donner sur les techniques de planification, il peut également lui proposer différents calendriers en fonction du temps global que l’apprenant pense pouvoir consacrer chaque semaine à son apprentissage. Ceux-ci ne sont pas tant à considérer comme des prescriptions ou des consignes que des propositions que l’apprenant doit faire siennes. Aussi, la meilleure preuve de l’efficacité de ses interventions sur ce sujet, que le tuteur peut avoir, est la transmission par l’apprenant de son planning personnel de formation.

ME- PE. Quel que soit le soin apporté à la conception d’un dispositif de formation et des services tutoraux qui lui sont associés, il ne sera jamais parfait, ne correspondra qu’imparfaitement aux attentes et aux besoins des apprenants. Il est donc très important, dès lors que l’on vise une amélioration continue de la formation et du tutorat, d’ouvrir un « bureau des pleurs » où les apprenants peuvent exprimer leurs insatisfactions et desiderata. Toutefois, pour qu’il soit pleinement utile, il doit aussi comporter un espace de propositions formulées par les apprenants qui apportent des solutions aux problèmes soulevés. Cette responsabilisation des apprenants limite fortement l’expression des réclamations gratuites et a également le mérite d’associer les apprenants à la définition de l’expérience formative qu’ils vivent. Le tuteur a donc un rôle éminent dans l’organisation de cette activité qui peut être réalisée de différentes manières. Il peut s’agir d’un forum, d’un dialogue lors des regroupements présentiels ou en classe virtuelle, d’un questionnaire… Le travail du tuteur ne se limite pas à enregistrer les propos échangés mais devrait également aboutir à la production d'une synthèse pour laquelle les cartes mentales se révèlent bien adaptées. Enfin, il peut faire remonter ces informations aux concepteurs et responsables du dispositif qui prendront en compte ou non les propositions faites. Pour ceux qui souhaitent aller plus loin sur ce sujet, je les invite à lire le témoignage que j’ai fait d’une telle activité au sein d’un master (cf. La co-construction avec les apprenants à distance des services tutoraux. In Le tutorat de pairs dans l'enseignement supérieur, ouvrage collectif sous la direction de Cathia Papi, L'Harmattan, Savoirs et formation. 2013).

ME- SAM. Les activités collaboratives sont devenues un incontournable du digital learning, tant pour des raisons pédagogiques que d’autres plus matérielles comme la réduction des travaux à évaluer. Toutefois, les aptitudes à la collaboration sont inégales selon les individus et il est opportun, en amont d’une activité collaborative, d’amener les apprenants à faire le point sur leurs expériences passées. Là encore, le forum, parce qu’il est écrit et que la rédaction d’une contribution demande un minimum de réflexion, se révèle être un bon support. Il est préférable que le tuteur donne l’exemple et comme dans l’intervention « SA-AO » traitée précédemment, utilise un canevas. Celui-ci peut comporter des rubriques de ce genre : présentation de la situation collaborative vécue (contexte, acteurs, objectifs visés) ; organisation de l’équipe collaborative (rôles, tâches, planning, mode de prise de décision) ; les aspects positifs et négatifs de l’expérience ; les erreurs à éviter et les bonnes pratiques à mettre en œuvre ; l’intérêt que l’on porte ou non au travail collaboratif, etc.

ME- TEC. Les outils utilisés dans un digital learning sont souvent nombreux et présentent des caractéristiques qui les désignent pour certains usages. Il est à noter qu’à côté des usages prescrits, les usages pédagogiques d’un outil sont souvent le résultat d’un détournement de ses fonctions. Ainsi, si une classe virtuelle est d’abord prescrite pour transposer à distance la situation d’un exposé en présentiel, elle peut être utilisée pour d'autres buts tel que l’entretien individuel avec un apprenant. Le bon usage d’un outil est toujours celui qui convient et permet à l’utilisateur de réaliser ce qu’il souhaite. Aussi, il n’est pas inintéressant que le tuteur suscite une prise de distance réflexive sur les usages que l’apprenant a des outils. Pour ce faire, il peut lui proposer une grille d’évaluation permettant de qualifier les fonctions de l’outil (type de communication, média supporté, persistance du message, modalités, etc.) et les usages qui peut en être fait et les comparer avec les siens.

ME- MET. Le développement des stratégies cognitives de l’apprenant peut être supporté par la mise à disposition de ressources sur l’apprendre à apprendre. Cela suppose que le tuteur fasse un minimum de veille sur le sujet et en transmette les résultats aux apprenants. Plus simplement, le tuteur peut sélectionner quelques ressources et en donner accès aux apprenants. Sur ce point, l’université de Lille 3 propose depuis 2007, un site tout à fait digne d’intérêt. De même, le site québécois MétaTIC, bien qu’il ne semble plus très actif, rassemble des ressources intéressantes.

ME -EVA. L’autoévaluation est certainement une activité cognitive de haut niveau qui signe également un exercice accompli de son autonomie par l’apprenant. Néanmoins, tous les apprenants ne sont pas des spécialistes de l’évaluation, voire n’ont jamais été en situation de concevoir des activités d’évaluation. Pour soutenir l’autoévaluation des apprenants, le tuteur peut tout d’abord les informer des intérêts d’une telle pratique puis présenter les principes de base de la conception d’une évaluation. En particulier les notions de référent, de critères et d’indicateurs sont celles qui posent souvent des difficultés de compréhension.

lundi 12 mars 2018

Quelques exemples d’interventions tutorales sur le plan motivationnel

La motivation constitue le levier essentiel de tout apprentissage. A ce titre, les tuteurs à distance doivent en connaître la nature et les processus, non pas pour créer la motivation, mais pour accompagner les apprenants afin qu’ils conservent leur motivation à un haut niveau, voire trouvent les moyens de la renouveler. Si la distinction entre la motivation extrinsèque, la carotte et le bâton, et la motivation intrinsèque, relative aux ressorts personnels de l’apprenant, est fréquemment faite, il est nécessaire que le tuteur affine ses connaissances sur les autres états de la motivation, pour être en mesure d’agir efficacement (cf. Comment aider les apprenants à distance à développer leur motivation à partir de 51’20 mn https://youtu.be/zBaG9jAQpFI).



MO-AO. La motivation est liée aux objectifs que l’apprenant se donne en suivant une formation. Bien évidemment, les objectifs académiques, ceux qui ont été définis par les concepteurs pédagogiques, sont poursuivis par la plupart des apprenants. Toutefois, ceci n’est pas toujours le cas. Ainsi, dans les MOOC, de nombreux inscrits ne sont pas tant intéressés par la certification, qui est l’aboutissement académique du parcours, que par l’accès à des éléments du MOOC qui leur permettent de trouver ce qu’ils y cherchent. Cette recherche est en rapport avec les objectifs personnels qu’ils poursuivent et qui par nature ne peuvent pas être identifiés de manière exhaustive par les concepteurs (Cf. Typologie de participants aux MOOC). Lorsque la tentation de l’abandon se fait jour chez un apprenant, la carotte, bien peu appétissante à distance, et le bâton, peu dissuasif, sont d’une utilité toute relative aux tuteurs. Par contre, engager le dialogue avec l’apprenant sur l’atteinte de ses objectifs personnels se révèle d’une plus grande efficacité pour faire persévérer l’apprenant. Encore faut-il que les tuteurs connaissent ces objectifs personnels. C’est pourquoi, il est utile, en début de formation, d’inviter les apprenants à les exprimer. Ceci peut être réalisé lors d’entretiens ou de questionnaires au moment de l’inscription ou bien en prévoyant une rubrique dans le canevas utilisé dans le forum de présentation des apprenants (cf. SA-AO évoqué dans le billet précédent).

MO-OR. L’autonomie de l’apprenant est souvent mise en avant dans le digital learning. Certains y voient même un prérequis. Ce postulat revient à reporter toute la responsabilité de l’apprentissage sur les apprenants, mis en face face muet avec les ressources de la formation, et à se dédouaner de toute action d’accompagnement. Or, être autonome n’a aucun sens lorsque l’autonomie n’est pas reliée à une action. Alors que nombreux sont ceux qui n’ont pas encore eu d’expérience du digital learning, il est assez illusoire de leur demander d’être autonomes dans des actions qui sont nouvelles pour eux. L’autonomie est donc davantage à considérer comme un objectif que comme un prérequis. Dès lors, il appartient aux tuteurs d’aider les apprenants à l’atteindre. (cf. Omelette et couscous : de l'autonomie des apprenants à distance). Tout accompagnement consiste à étayer puis à désétayer progressivement. Le tuteur doit donc intervenir assez fréquemment en début de formation pour soutenir les apprenants, puis lorsqu’il le juge opportun d’espacer ce soutien afin de permettre aux apprenants d’exercer leur autonomie. Il lui faut alors être attentif aux réactions des apprenants. Certains d’entre eux nécessiteront éventuellement un nouvel étayage. Ce type d’action est réellement efficace lorsque le tutorat est personnalisé, ce qui n’est pas le cas le plus fréquent, car demandant de mobiliser des ressources importantes en temps et en compétences dont ne disposent pas toujours les tuteurs.

MO-PE. La motivation est très liée à la perception de l’utilité des tâches d’apprentissage, à la manière dont l’apprenant peut se faire une idée concrète du transfert dans son contexte des connaissances qu’il construit. Proposer des activités signifiantes c’est tout à la fois établir des liens entre les notions abordées durant la formation et les gestes professionnels des apprenants en usant d’exemples et de métaphores mais c’est également organiser des activités tirées de leur environnement professionnel. S’il n’appartient pas formellement aux tuteurs de concevoir les activités d’apprentissage, il est certain que la proximité qu’ils ont avec les apprenants leur permet d’identifier la pertinence des activités proposées et des pistes d’amélioration de celles-ci. Il est donc important que les tuteurs puissent remonter ces informations aux concepteurs afin que ces derniers réaménagent ou créent des activités plus signifiantes pour les apprenants. (cf. Quel rôle pour les tuteurs dans la conception des digital learning ?).

MO-SAM. Lorsque un apprenant manifeste, de manière explicite ou implicite, sa volonté d’abandonner la formation, il ne s’agit pas tant pour le tuteur de l’en dissuader que d’engager le dialogue sur les raisons qui le poussent à envisager cette fin de formation. Donner l’opportunité à l’apprenant d’exprimer ce qui l’amène à penser abandonner, de recevoir son propos selon les principes de l’écoute active (cf. L'écoute active, une stratégie au service du tuteur à distance), de lui donner à entendre son expression en la reformulant est une étape essentielle. Puis, il s’agit d’évaluer l’évolution des motivations intrinsèques de l’apprenant, de repérer d’éventuelles pistes de ressourcement de sa motivation, de lui formuler des conseils en le laissant pleinement libre de les suivre ou non. Enfin, il est nécessaire de donner un peu de temps à l’apprenant pour réfléchir de manière approfondie sur la suite qu’il pense donner à sa formation, pour identifier les avantages et les inconvénients des options qui sont les siennes. Pour ce faire, le tuteur peut être propositionnel sur les réaménagements temporels du parcours de formation de l’apprenant. Au final, certains abandonneront, et le tuteur doit l’accepter sans culpabiliser tant il a une obligation de moyens mais non de résultat, mais d’autres persévéreront et s’engageront dans une relation tutorale plus riche et plus adaptée à leurs besoins.

MO-TEC. L’utilisation des outils qui peuvent être variés et nombreux, ne va pas toujours de soi pour certains apprenants. Les appréhensions, voire les préventions, sont souvent nourries par une identification insuffisante des usages des outils cantonnés aux fonctions prescrites par leurs créateurs, de ce qu’ils permettent de faire, de la manière dont ils peuvent contribuer à l’apprentissage et des bénéfices que peut en retirer l’apprenant. Sur ce plan, le tuteur peut évoquer ses propres usages des outils, non pas pour les donner en modèle à suivre, mais comme exemples pouvant créer l’appétence de l’apprenant. Prenons donc un exemple. J’ai une pratique assez peu développée des cartes mentales, préférant recourir aux tableaux et schémas, mais elles me sont très utiles dans deux situations. D’une part, lorsque j’aborde une nouvelle notion, la construction d’une carte sémantique me permet de mieux baliser la représentation que j’en ai. D’autre part, j’utilise fréquemment la carte mentale pour produire des synthèses des échanges que les apprenants ont dans un forum. C’est d’une part, assez économique en temps et permet aux apprenants d’avoir une vue distanciée sur leurs propos. Ce type de témoignage fourni aux apprenants, leur permet de trouver une certaine liberté d’usage des outils en imaginant ceux qui peuvent être les leurs.

MO-MET. Bien plus que la carotte et le bâton, les motivations personnelles de l’apprenant sont agissantes pour le faire persévérer et atteindre ses objectifs. Il n’est donc pas inutile que le tuteur incite l’apprenant à faire le point sur le niveau et l’évolution de ses motivations intrinsèques. Pour ce faire, il peut lui proposer une grille d’identification des différentes dimensions de ses motivations : professionnelles, sociales, reconnaissance de tiers, satisfaction personnelle, plaisir éprouvé à la réalisation des activités de sa formation, etc. Puis lui fournir une échelle d’évaluation de celles-ci. Par exemple, une échelle de -2 à +2 (-2 : motivation à la baisse ; -1 : motivation plutôt à la baisse ; 0 : motivation étale ; +1 motivation plutôt à la hausse ; +2 motivation à la hausse). Une telle évaluation de ses motivations par l’apprenant gagne à être répétée tout au long de la formation afin de mettre en évidence les évolutions des résultats. La courbe de Hype, qui nous vient de l’étude des intérêts pour un produit ou une technologie, peut être adaptée à l’évaluation de sa motivation par l’apprenant. Les phases remarquables de cette courbe sont alors le pic des attentes, l’abysse des désillusions, la pente de ressourcement de la motivation, le plateau de la motivation stabilisée.

MO-EVA. Qui n’a pas vécu une situation où, dans l’adversité, un encouragement est survenu et lui a permis de trouver de nouvelles ressources pour continuer son action. Le tuteur ne devrait pas être avare d’encouragements pour les apprenants mais également les féliciter pour leurs réussites, même lorsque celles-ci ne sont que partielles. Toutefois, ces expressions peuvent paraître factices lorsqu’elles restent générales et ne sont pas contextualisées à la situation vécue par l’apprenant. De même, elles ne servent qu’à peu de choses lorsqu’elles sont non sincères ou trop délibérément positives. Le tuteur doit s’appuyer sur sa connaissance de l’apprenant, sur l’empathie qu’il a pour lui mais également sur le développement d’une argumentation qui légitime son expression. Enfin, ces messages sont davantage efficaces lorsqu’ils sont proactifs et que l’apprenant ne s’y attend pas.

lundi 5 mars 2018

Quelques exemples d’interventions tutorales sur le plan socio-affectif

Le plan socio-affectif s’intéresse aux interventions tutorales permettant à l’apprenant de faire le point sur son rapport affectif aux activités d’apprentissage qui sont les siennes et à celles qui facilite les médiations et la collaboration entre les pairs.

Il est remarquable que l’on n’aime peu faire ce que l’on ne sait pas faire. Le manque de compétences méthodologiques pour réaliser une tâche influe directement sur la perception de notre capacité à faire. Or, cette dernière n’est pas sans influence sur les résultats que l’on peut obtenir. En l’occurrence, il est préférable d’être exagérément confiant en soi que le contraire. Modifier le rapport affectif que les apprenants entretiennent avec les tâches d’apprentissage est donc un premier périmètre du plan socio-affectif.

Grâce aux outils de communication à distance, les activités collaboratives entre pairs sont devenues un quasi incontournable du digital learning. Si certains excès, tant la collaboration ne s’ordonne pas, peuvent parfois avoir lieu, il y a toutes les raisons de se féliciter de ce retour du groupe dans la formation en ligne. Toutefois, les compétences à la collaboration sont inégales selon les individus et les cultures qui sont les leurs. Il y a donc nécessité d’accompagner les apprenants à s’engager, négocier et réaliser leurs tâches de manière collaborative. Cet accompagnement constitue le second périmètre du plan socio-affectif.



SA-AO. Un groupe d’apprenants n’est pas spontané mais résulte du processus d’inscription et des choix d’ingénierie de formation. Une des premières actions du tuteur pour faciliter la constitution non plus formelle mais agissante d’un groupe est d’initier la construction d’un sentiment d’appartenance. Les bénéfices d’un tel ressenti par les apprenants sont nombreux et s’il ne fallait en citer qu’un, ce serait l’émergence d’une solidarité entre les apprenants engagés dans un vécu commun qui se révèle un levier puissant pour contrer les tentations d’abandon de la formation. Il s’agit donc, dans un premier temps de stimuler la socialisation des apprenants. Pour ce faire, la mise en place d’un forum de présentation des apprenants est une alternative intéressante au traditionnel tour de table. D’une part, le recours à l’écrit permet une expression plus complète. D’autre part, elle n’est pas transitoire comme l’oral et donc reste accessible durant toute la formation. Toutefois, un tel forum n’a que peu de chances d’atteindre l’objectif visé si le tuteur ne donne pas l’exemple. Afin d’assurer une certaine harmonie entre les présentations, le tuteur peut donc se présenter lui-même à partir d’un canevas qui sera ensuite utilisé par les apprenants. Celui-ci peut comprendre les rubriques suivantes : lieu de résidence, activité professionnelle, expérience de la formation en ligne, ce que je suis venu chercher dans cette formation, ce que j’ai envie de dire sur moi…

SA-OR. Dès lors qu’il y a groupe, s’installe une dynamique de groupe. Dès les années 1970, les sociologues tels que Didier Anzieu ou Serge Moscovici, ont proposé des modélisations de la dynamique de groupe. Celle-ci est composée, à grands traits, de trois phases distinctes : l’illusion groupale où les participants utilisent le « on » indéfini pour évoquer le groupe et où chacun imagine que les autres ont les mêmes attentes que lui, la phase conflictuelle où se manifestent les « je » et où l’illusion du consensus fait place aux particularités des individus, puis la phase de maturité caractérisée par le « nous » issu d’une vue négociée et partagée du groupe (cf. Aider les apprenants à collaborer). Les interventions du tuteur pour réguler la dynamique de groupe peuvent être, par exemple, l’animation de classes virtuelles dédiées à une écoute des apprenants sur leur vécu dans le groupe. Le tuteur peut aussi utiliser certains outils comme le sociogramme pour mieux identifier les rôles que les apprenants investissent dans le groupe : leader, facilitateur, opposant, suiveur, bouc émissaire, etc. (cf. Le sociogramme, utile aux tuteurs).

SA-PE. Le travail collaboratif demande un engagement certain des apprenants mais celui-ci doit également être organisé. Le tuteur peut proposer aux apprenants de produire une charte de fonctionnement de leur groupe. Pour ce faire, il demande aux apprenants de répondre à un certain nombre de questions. Sur l’identification des compétences des participants : qu’est-ce que je sais faire ? Qu’est-ce que je me sens capable de faire ? Qu’est-ce que je veux faire ? Qu’est-ce que je ne veux pas faire ? Il invite les apprenants à identifier leurs espaces et outils de communication, de conception et de production. Les apprenants sont également amenés à préciser comment ils vont prendre leurs décisions et le processus présidant à la validation de leurs productions. Enfin, le tuteur invite les apprenants à planifier leurs actions. Cette intervention peut être réalisée selon de nombreuses modalités, l’important étant que les apprenants produisent cette charte de fonctionnement, la modalité peut être celle qui à la préférence des apprenants.

SA-SAM. L’isolement de l’apprenant à distance est souvent ressenti mais correspond également à une réalité que le tuteur doit prendre en compte. Une des manières de rompre cet isolement est de manifester régulièrement des signes de présence. Les messages proactifs peuvent être réalisés sur forum, par messagerie ou lorsque le dispositif le prévoit via une application smartphone associée. Le contenu de ces messages n’est pas le plus important, bien qu’il puisse l’être. En effet, c’est le fait de recevoir un message du tuteur qui démontre à l’apprenant qu’il n’est pas seul face à ces activités. Aussi, le rappel de sa disponibilité par le tuteur est un des incontournables de ce type d’intervention tutorale.

SA-TEC. Au sein d’un groupe d’apprenants, les compétences techniques sont souvent diverses. Il est donc intéressant et économique pour le tuteur de susciter l’entraide entre les apprenants sur ce point. Une des actions qui facilite cette entraide est la cartographie des compétences des apprenants. Cela peut être facilement réalisé à partir d’un document partagé où les apprenant sont invités à déclarer leur niveau de compétence sur l’utilisation des outils de la formation. Ainsi, l’apprenant, en difficulté avec un outil, sait auprès de qui pouvoir obtenir de l’aide.

SA-MET. Il se révèle souvent utile de faire prendre conscience aux apprenants du rapport affectif qu’ils entretiennent avec telle ou telle tâche à accomplir. Dans ce but, le tuteur peut proposer aux apprenants une série de propositions. Par exemple, en utilisant une échelle de Likert (tout à fait en désaccord, plutôt en désaccord, plutôt d’accord, tout à fait d’accord), les apprenants sont amenés à se positionner à partir d’affirmations du genre : Cette tâche est inutile, cette tâche est difficile, cette tâche demande une méthode qui m’est inconnue, cette tâche me fait peur, cette tâche me rappelle de mauvais souvenirs, etc.

SA-EVA. La production de rétroactions formatives aux travaux est certainement une des occasions d’apprentissage profond pour les apprenants. Outre, les techniques de rédaction de ces rétroactions qui doivent aussi bien porter sur ce qui est bien fait que ce qui l’est moins, que sur le style qui gagne à être constructif plutôt que négatif ou positif (cf. La rétroaction, support d’apprentissage ?), il est de la première importance pour le tuteur de planifier les temps qui lui sont nécessaires pour produire ces rétroactions. Il est également capital que le tuteur communique aux apprenants l’échéance de la transmission de ses commentaires, et de la respecter, afin de nourrir la confiance que les apprenants peuvent lui accorder.